• « …l’occasion d’apprécier la perfection à laquelle atteint l’Ensemble Cairn au point qu’on ne sait plus qui admirer le plus, du compositeur ou de ses interprètes. »

    Gérard Condé – Diapason

CONCERTS

2024

« Traiettorie 2024 revient avec l’automne »
Il Giornale della Musica (Italie)
02 octobre 2024

[…] Le concert d'ouverture, prévu le mercredi 25 septembre, avec l'Ensemble Cairn au Centro di Produzione Musicale 'A. Toscanini', est un exemple de cette approche. Au programme, des pièces de Tristan Murail, Philippe Leroux et Gérard Pesson, ainsi qu'une création italienne de Marco Momi et cinq Préludes de Claude Debussy, transcrits pour ensemble par Jérôme Combier, directeur artistique de Cairn. […]

 

« Traiettorie 2024: concert de l’Ensemble Cairn au Parco della Musica »
La Republica (Italie)
28 septembre 2024

La deuxième partie de Traiettorie 2024 commence à nouveau en France, puisque la musique française contemporaine, et en particulier celle des dernières décennies, est au centre de cette édition du festival de musique moderne et contemporaine organisé et promu par la Fondazione Prometeo, et ce avec l'Ensemble Cairn, un groupe qui, depuis 1998, sous la direction artistique de Jérôme Combier et la direction musicale de Guillaume Bourgogne, explore les univers de la musique d'aujourd'hui avec une grande curiosité, y compris pour les croisements de genres.

Dans le programme que l'ensemble présentera le mercredi 25 septembre à 20h30 au Centre de Production Musicale de la Fondazione Toscanini à Parme (Parco della Musica - Falcone e Borsellino), le protagoniste sera une fois de plus la ligne musicale française qui, de l'émancipation du timbre sonore initiée avec Debussy, arrive à la réflexion sur la subjectivité de l'interprétation et des perceptions élaborée par la deuxième génération de ce que l'on appelle le « spectral ».

 Ainsi, comme dans de nombreux concerts de cette édition, reviennent la musique de Tristan Murail, qui dans « Paludes “ (2011) travaille sur l'instabilité des sons, et celle de Philippe Leroux, qui dans ” De l'épaisseur » (1998) pour violon, violoncelle et accordéon perçoit dans les variations des masses sonores les lacérations de l'existence. A cette précarité d'un son qui n'est jamais le même correspond aussi la recherche de l'indéfini ou du possible : comme dans « Fureur contre informe » (1998) de Gérard Pesson pour trio à cordes où l'incomplétude du discours instrumental est une intériorisation qui ne parvient pas à s'expliciter, ou comme dans « Not Yet » (2024) du Péruvien musicalement francisé Marco Momi, ici en création italienne, où flûte, clarinette et cordes dialoguent avec le bruit de quelques smartphones comme une écriture non encore exprimée sur l'espace muet du papier. Pour finir, nous revenons à Claude Debussy et à cinq de ses Préludes, filtrés cependant par la variation de timbre de la transcription pour flûte, clarinette, accordéon et cordes (2005-2024) de Jérôme Combier, également en création italienne.

  

« Au Musée Guimet, l’ensemble Cairn à l’heure japonaise »
ResMusica
10 mars 2024, Michèle Tosi

 En lien avec l'exposition « A la cour du Prince Genji, 1000 ans d'imaginaire japonais », présentée par le Musée Guimet, et avec le soutien de la Fondation franco-japonaise Sasakawa, le concert donné par l'ensemble Cairn à l'auditorium du musée nous a fait voyager, entre waka et manga, en terre nippone.

Attribué à Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji est un roman millénaire écrit à l'époque de Heian (XIᵉ siècle de notre ère) par une femme et pour un lectorat féminin. Il raconte la vie d'un de ces princes impériaux, d'une beauté extraordinaire, poète accompli et charmeur de femmes. Il a beaucoup été illustré et notamment tissé par le maître Yamaguchi sur trois rouleaux somptueux que l'on peut admirer au cours de l'exposition. On y découvre également la version manga du roman qui semble avoir inspiré le jeune compositeur Kenta Onada (étudiant au CNSMD de Paris et lauréat du prestigieux Prix Akutagawa) à qui la fondation Sasakawa a passé la première commande de cette soirée. Bogosse est écrit pour accordéon microtonal (Fanny Vicens), clarinette (Ayumi Mori) et violoncelle (Alexa Ciciretti). Dans cette courte pièce, la tension monte, lentement mais sûrement, débouchant sur un épisode musclé du violoncelle auquel répondent les multiphoniques agressifs de la clarinette basse, laissant imaginer quelques conflits sous-jacents. La pièce s'inaugure et se referme par le geste violent de l'accordéoniste qui fait rugir son soufflet.

Yasuaki Itakura, directeur du Tokyo Sinfonietta, qui présente le concert, nous avait annoncé une surprise… celle de Naomi Sato arrivant des coulisses en jouant un air traditionnel sur le shō, l'orgue à bouche japonais, un des rares instruments polyphoniques de la tradition asiatique : la beauté du geste hiératique et le son irradiant de cet instrument fascinent ; elle vient rejoindre ses deux partenaires, accordéoniste et clarinettiste, pour la pièce de Jérôme Combier, Hoshizora (« Nuit d'étoiles » en japonais) qui met en scène la soprano Michiko Takahashi, élégante dans son ample tunique noire. Le texte est en japonais (un poème de Makoto Ōta) et la voix aussi richement timbrée qu'expressive, nappée, enveloppée, diffractée par les sonorités instrumentales dont le tissu microtonal ajoute au raffinement de la courbe vocale.

Du son au bruit, de l'énergie vibratoire à l'extinction du mouvement, de l'onde mouvante aux rafales, c'est la façon de « lire les vents » (Reading the winds Intermezzi VI), une pièce de 2019 pour violoncelle seul de la compositrice japonaise Misato Mochizuki. Elle est entendue sous l'archet aussi puissant que véloce d'Alexa Ciciretti qui confère à cette musique de gestes un son tracé très singulier.

Ki i te (2017) pour soprano solo de Dai Fujikura est une vignette de deux minutes qui laisse apprécier, sinon le texte en japonais, le potentiel étonnant de la performeuse (Michiko avoue s'être libérée un rien de l'écriture) et le naturel facétieux de sa voix tout terrain. C'est en japonais également (l'original est en russe) et avec une belle sensualité qu'elle chante Trois poésies de la lyrique japonaise (1913) d'Igor Stravinsky, trois bijoux célébrant la nature et les fleurs blanches des cerisiers. La partition pour petit ensemble a été transcrite par Jérôme Combier pour shō, accordéon et clarinette, une formation qu'il maîtrise en fin connaisseur.

La dernière pièce, création mondiale d'Aurélien Dumont et seconde commande de la fondation Sasakawa, est également introduite par le shō de Naomi Sato, stase sonore d'une musique qui abolit le temps. Les cinq musiciennes de la soirée sont sur scène, chanteuse, shō, accordéon, clarinette et violoncelle. Notons que Fanny Vicens a changé d'instrument, jouant à présent sur l'accordéon microtonal hybride (fruit de la collaboration Ircam et duo Xamp), un instrument « augmenté » qui intègre aux jeux d'anches la fertilité de l'électronique. Ainsi « des haut-parleurs choisis en fonction de l'ambitus de l'accordéon ont-ils été placés dans l'instrument selon une logique proche de celle des anches, la sélection des haut-parleurs se faisant par des boutons de registres électroniques », explique l'interprète.

 Le titre, La lune s'éteindra-t-elle?, emprunte un vers d'un waka (poème) écrit par une « belle-du-soir » nommée Yugao (littéralement « visage du soir ») dont s'est épris le prince Genji. Aurélien Dumont s'attache en effet à un chapitre du Dit du Genji, l'un des rares, nous dit-il, à introduire une part de surnaturel dans le récit. Passant la nuit avec la belle Yugao et sa suivante Ukon, Genji voit le spectre d'une femme terrasser sa bien-aimée. Elle perd connaissance et meurt à l'aube. C'est cet épisode tragique que l'écrivain Dominique Quélen, collaborateur fidèle d'Aurélien Dumont, raconte dans le texte en français que le compositeur lui a commandé ; le drame est relaté de trois points de vue différents, celui de Yugao, d'Ukon et du spectre lui même. 

Le « monodrame » est donc à trois personnages, incarnés, et avec quelle vérité dramatique, par Michiko Takahashi : le cri de Yugao tombant sous les coups du spectre est d'anthologie, qui nous fait frissonner jusqu'à la moelle dans une première partie entre voix parlée et chantée, susurrée et hurlée. S'expriment à travers les mots de Yugao, le malaise et le sentiment prémonitoire d'un drame que soutient et colore l'écriture instrumentale, avec cette qualité plastique (le violoncelle a une corde préparée) toujours recherchée par le compositeur. Le récit d'Ukon modifie l'énergie, écrit dans un autre registre de langage et entretenant le jeu des boucles, vocales et instrumentales, qu'aime activer Dumont ; d'une grande fraicheur, le chant de Michiko émeut, avec une clarté de diction rare, même chez les sopranos françaises! L'accordéon hybride est en vedette dans une troisième partie plus fantomatique où la voix de la chanteuse (doublée par celle de Fanny Vicens) est traitée en direct, comme le ferait l'autotune. Le vibrato guttural de la soprano flirte parfois avec la technique vocale du Nô. L'aisance avec laquelle Michiko Takahashi passe d'un registre à l'autre sidère, révélant, dans ce drame de poche, un vrai talent de tragédienne.

 

2023


« Le livre des matières de Jérôme Combier »
France Musique
24 septembre 2023, Laurent Villarem

 A l’occasion de la création de Memento à Strasbourg, Jérôme Combier nous ouvre son cabinet de travail. En direct de notre studio, il fait chanter les pierres et retient la mémoire du sable. Portrait d’un compositeur en prise avec la matière. 

Le 30 septembre, Jérôme Combier crée Memento: un livre des matières de Jérôme Combier au Festival Musica de Strasbourg.

"Dans Memento, Jérôme Combier peint une nature morte musicale, animée dans l'esprit de l'arte povera. Les feuilles, la pierre ou le bois, les métaux, le verre ou le sable délivrent des propriétés sonores sur une scène aux allures de grand tableau. La musique — c’est aussi son pouvoir — redonne vie aux objets inertes de la nature morte. Elle les fait sortir du cadre et les porte à notre attention, comme pour mesurer l’écart entre le temps géologique de la matière et le fragile temps de l’humain à l’écoute.
Avec sa dernière création, Jérôme Combier fait écho au courant de l’arte povera et aux artistes Jannis Kounellis, Giuseppe Penone et Claudio Parmiggiani, ainsi qu’au land art de Richard Long. La salle de concert devient une surface sur laquelle gravitent des îlots sonores. La composition comme la disposition des choses font l’œuvre. Au centre du dispositif, un percussionniste fait exister les matières naturelles, et en les manipulant, les projette parmi les instrumentistes qui l’environnent. Ainsi absorbées dans l’écriture et dans l’espace, elles deviennent phénomènes, gestes, mouvements. La musique dès lors s’observe, exposée, sculptée, frottée, caressée, parfois brisée. Memento est dédié à la mémoire de Raphaël Thierry."

Programmation musicale :

Chapitre 1 : Le vent, le souffle, l’air, comme son originel
Claude Debussy - Le vent dans la plaine
Jérôme Combier, instrumentation
Ensemble Cairn
Guillaume Bourgogne (direction)
Enregistrement privé

 Kokû-reibo - Musique traditionnelle japonaise
Teruhisa Fukuda, shakuhachi
Album : Japon : Shakuhachi école Kinko
OCORA

 Jérôme Combier - Dawnlight
Ensemble Cairn
Disque AEON 1651

 

Chapitre 2 : Le chant des pierres
Entretien avec Corentin Marillier, percussionniste de Memento : Un livre des matières

Jérôme Combier - Essere pietra
Ensemble Cairn
Guillaume Bourgogne (direction)
Disque AEON 0754

Chapitre 3 : L’écorce et le bois
Jérôme Combier - Respirer l’ombre
Ensemble Cairn
Guillaume Bourgogne (direction)
Disque AEON 0754

Chapitre 4 : Le dehors et le dedans: le cabinet de travail
V comme Voyage (1’13’’)
Source : L’Abécédaire de Gilles Deleuze (1989) : Entretiens avec Claire Parnet

Jérôme Combier - Die Finsteren Gewässer der Zeit
Ensemble Court-Circuit
Jean Deroyer (direction)
Enregistré le 19 février 2017 au Festival Présences de Radio France

Chapitre 5 : La mémoire et le sable - Hommage à Raphaël Thierry
Jérôme Combier - Vies silencieuses
Interlude 1
Disque AEON 0754 

Extrait de l’émission Accrochages par Martine Kaufmann sur France Musique du 11 octobre 2006
Entretien avec le compositeur Jérôme Combier et le plasticien Raphaël Thierry
Source INA

Entretien avec Philippe Jaccottet
Extrait de l’émission Surpris par la nuit du 12 février 2001 par Alain Veinstein sur France Culture
Source INA

Jérôme Combier - Sable de vieux os
Ensemble 2x2
Enregistré en avril 2007 au Festival de Witten

 

« Faire société avec le festival Ensemble(s) »
ResMusica
17 septembre 2023, Michèle Tosi

[…] C'est l'organicité du matériau vocal et instrumental qui est recherchée, une quasi fusion de la voix et ses divers modes d'énonciation (sifflante, chuchotement, souffle, étirement et contraction des mots, etc.) avec son environnement instrumental dont l'écriture extrêmement ciselée contribue au rendu expressif du poème. La tension du verbe chez Dinckinson et l'ambiguïté du sens qu'il véhicule ont boosté l'imaginaire sonore du compositeur qui réalise, dans ce premier volet du triptyque Epigram, l'un des chefs d'œuvre de son catalogue, magnifiquement restitué par la soprano Jeanne Crousaud et les musiciens sous la direction de Guillaume Bourgogne (Ensemble Cairn). […]

 

« soirée d’ouverture du Festival Ensemble(s)
Bedrossian, Hervé, Hosokawa, Morciano, Nono et Zubel”
Anaclase,
13 septembre 2023, Bertrand Bolognesi

 Rentrée de la contemporaine, en ce mercredi soir, avec le premier des six rendez-vous proposés (sur quatre soirs) par le Festival Ensemble(s), qui est aussi pour nous le premier concert de création de la nouvelle saison. Pour la quatrième année, les ensembles instrumentaux Cairn, Court-circuit, Multilatérale, Sillages et 2e2m, tous dédiés à la musique de notre temps, conjuguent leurs efforts en mêlant leurs effectifs. En cette période plutôt difficile pour les formations musicales, c’est convier le public à prendre la mesure de l’intense créativité des artistes à lui être contemporains… à défaut d’accueillir quelque représentant du ministère de la culture dont l’action semble ne devoir désormais consister qu’en la réduction drastique des moyens qui permettent à ces activités de perdurer. […]


« Musiques, les envies du Monde »
Le Monde,
23 Janvier 2023, Pierre Gervasoni

La « fresque psychédélico-lyrique » de l’Ensemble Cairn.

Présenté sous le nom de WhatsPop, le nouveau plat de résistance contemporaine servi par l’ensemble Cairn (l’une des brigades les plus « toquées » dans ce domaine, comme on a pu encore le vérifier avec la création à Nantes d’un opéra de Philippe Leroux) réunit des ingrédients aussi variés qu’un sonnet de Shakespeare, un rapport déclassifié de la CIA et un poème de James Joyce avec, en guise de liant musical, du Debussy et du Radiohead ! Si l’objet de cette « fresque psychédélico-lyrique » a de quoi rendre méfiant par sa volonté de questionner « les états de conscience modifiés et partagés que peut procurer la musique », l’identité des di!érents acteurs de cette « enquête-énigme » pour six instrumentistes, une chanteuse (Juliette Allen) et un intellectuel invité (Pacôme Thiellement) est de nature à donner des gages de qualité artistique, de l’accordéoniste Fanny Vicens au compositeur Aurélien Dumont.

2022

 « L’Annonce faite à Marie », l’opéra de Philippe Leroux, au plus près de Paul Claudel
Le Monde
12 octobre 2022, Pierre Gervasoni

Une lépreuse qui guérit après avoir donné le sein à un enfant mort-né. Un nourrisson dont les yeux changent de couleur après avoir retrouvé la vie. L’intrigue de L’Annonce faite à Marie, pièce emblématique du mysticisme de Paul Claudel, atteint son dénouement, à la veille de Noël, dans un épisode miraculeux. Il aura bien fallu une intervention divine pour conjurer les effets néfastes de la complexité humaine et tenter d’atténuer la douleur qu’elle engendre. La rivalité amoureuse de deux sœurs (Violaine et Mara) sur fond de punition céleste (la lèpre, la mort d’un enfant) obstrue l’horizon très pragmatique d’une famille évoluant dans un « Moyen Age de convention ».

[…]

Raphaèle Fleury, qui avait également signé le livret de Dalbavie, présente ici une adaptation fidèle à l’esprit de Claudel et sensible à la dimension musicale donnée par le compositeur. La partition qui en résulte (pour six voix, ensemble instrumental et dispositif électronique) est on ne peut plus inspirée. D’un point de vue tant artistique (souffle inventif de qualité supérieure) que technique (constitution du matériau).
[…]
Au plus près d’une distribution sans faille, ce n’est pas un orchestre qui officie dans la fosse mais une petite formation, l’ensemble Cairn, essaim de huit insectes polymorphes qui volent, piquent ou dilatent la pulpe musicale à l’instigation d’un chef d’escadron impérial (Guillaume Bourgogne). Pour être dans la tête de Claudel, par le truchement de ses interventions en voix o!, on n’en est pas moins dans celle de Leroux, où s’agencent des textures d’une grande subtilité avec juste ce qu’il faut d’électronique. C’est pourquoi, sans doute, tout nous semble assez vite familier dans ce flux constant de propositions inouïes. Sensation apparemment partagée, le 9 octobre, par le public nantais qui a réservé un accueil enthousiaste à cet opéra novateur dont le maître-mot demeure l’émotion.

 

« L’Annonce faite à Marie de Leroux : l’honneur fait à Claudel »
Diapason
10 octobre 2022, Benoît Fauchet

L’un des compositeurs les plus expérimentés de sa génération affronte enfin l’opéra… et transforme un « mystère » claudélien en grand moment de théâtre lyrique.

En quarante ans d’écriture, Philippe Leroux (né en 1959) est passé maître dans l’art de combiner la voix, les instruments et l’électronique, comme dans Voi(Rex), chef-d’œuvre créé il y a déjà vingt ans (2002). Mais allait-il savoir relever le défi de l’opéra ? A cette question, le compositeur apporte une réponse qui brille d’un éclat particulier, chevauchant avec entrain les enjeux narratifs du genre lyrique, sans renier son ambitieuse grammaire. Il ne s’était pourtant pas facilité la tâche en décidant de se frotter à L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel (1868-1955), « mystère en quatre actes et un prologue » que l’auteur voyait comme « la représentation de toutes les passions humaines rattachées au plan catholique » : ici, deux sœurs se déchirent et l’une (Violaine) succombe à cause de l’autre (Mara), quand bien même la première a sauvé, par une miraculeuse nuit de Noël, l’enfant de la seconde.

Travail de haute couture sur le livret

Philippe Leroux a pu s’appuyer sur le travail de haute couture opéré dans les vers claudéliens par Raphaèle Fleury – on lui devait déjà le livret du Soulier de satin de Marc-André Dalbavie créé en mai 2021 au palais Garnier – pour tisser sans temps mort ni entracte une partition de 2 heures 30. La voix y est traitée avec une remarquable variété d’intentions et d’effets à des fins expressives – parlée, mais surtout chantée en onomatopées ludiques voire espiègles, en glissandos, dans des passages tout en raucité, avec de fortes sollicitations dans l’extrême aigu, ou encore dans la souplesse de mélismes médiévisants… L’électronique de l’Ircam (réalisation de Carlo Laurenzi) donne de l’écho à ces voix, comme elle ressuscite celle de Paul Claudel dans ses propres mots, artifice qui souligne de manière novatrice la dimension très personnelle du texte mais dont Philippe Leroux, heureusement, n’abuse pas.

Ecriture en mouvement et en reliefs

Dans la fosse, huit instruments solistes de l’ensemble Cairn assument une écriture colorée de réminiscences spectrales mais surtout en mouvement et en reliefs, qu’anime le geste versatile de Guillaume Bourgogne. Egalement attentif au plateau, le chef veille à la tension théâtrale de ce « drame de la possession d’une âme par le surnaturel » (Claudel dixit) qui culmine en l’ardente grande scène d’amour du II entre Violaine (la soprano Raphaële Kennedy, d’une grande clarté dans l’émission) et son promis Jacques (le baryton Charles Rice, bien projeté), puis surtout dans le miracle du III, quand Mara (Sophia Burgos, mezzo libre et fruité) chante l’Evangile dans un impressionnant mouvement ascensionnel. L’autorité paternelle de Marc Scoffoni (Anne Vercors), le ténor « barytonal » de Vincent Bouchot, la mère d’Els Janssens Vanmunster complètent le plateau. 

Images en nuances de gris

La metteuse en scène Célie Pauthe situe le « Moyen Âge de convention » appelé par Claudel entre des murs anthracite, sur lesquels sont projetées quelques images en nuances de gris de la campagne tardenoise si chère à l’auteur. Le geste est sobre mais ne manque ni de vérité dramatique ni de beauté picturale, en particulier à l’agonie d’une Violaine au visage de Pietà.

Coproduite par les deux maisons d’opéra de l’Ouest, montrée dans leurs trois théâtres (Nantes, Rennes et Angers), cette Annonce mérite d’être reprise ailleurs. Et pourquoi pas à l’Opéra-Comique ? Tout, ici – la forme, la langue, l’audace – le réclame.

 

« Fascinante Annonce faite à Marie de Philippe Leroux à Angers Nantes Opéra »
Opera Online
9 octobre 2022, Laurent Villarem

Et si L’Annonce faite à Marie, donnée en création à Angers Nantes Opéra, était une œuvre musicale importante ? L’opéra de Philippe Leroux choisit certes un sujet relativement classique (la pièce de Paul Claudel est en effet la plus populaire de son auteur) mais sa mise en musique est aventureuse, profondément originale, et il n’est pas interdit de penser que le compositeur invente même une nouvelle manière de chanter l’opéra en français après Pelléas et Mélisande de Debussy.

Parlons tout d’abord des défauts du spectacle. La mise en scène de Célie Pauthe s’appuie sur de très belles lumières et une magnifique direction d’acteurs, au diapason d’une équipe de chanteurs profondément investis (nous les citerons tous plus tard). Mais la scénographie n’échappe pas à une certaine littéralité, voire à une forme d’imagerie chrétienne, qui frôle le saint-sulpicianisme dans les scènes finales. L’autre écueil de la soirée consiste dans le relatif statisme de l’action (mais après tout, Pelléas de Debussy n’est-il pas lui aussi statique ?). Philippe Leroux, qui est un compositeur d’origine spectrale, s’appuie parfois trop sur la lenteur de ses processus et aussi belle et sensuelle soit la partie instrumentale (l’excellent Ensemble Cairn dirigé par Guillaume Bourgogne), une certaine monotonie freine les deux heures trente du spectacle, ponctué de longues conversations entre les personnages. 

Mais L’annonce faite à Marie est l’opéra d’un compositeur qui opère la synthèse de ses connaissances. A 63 ans, Philippe Leroux récapitule ses expérimentations vocales pour en offrir une version accessible à un plus large public. Il y a beaucoup d’intensité dans les actions des personnages, beaucoup d’humanité aussi. Là où certaines lectures de Claudel jouent sur une voix blanche et monocorde, Leroux choisit l’exact inverse en mettant la voix humaine dans tous ses états. Difficile d’énumérer les techniques vocales réclamées par le compositeur tant elles abondent : voix droites, saturées, paroles, chant bel canto, mélismes, prières, chant grégorien, récitatif debussyste, glissandi, cris à laquelle s’ajoute la recréation de la voix de Paul Claudel lui-même (grâce à l’informatique de l’Ircam) et un environnement électronique enveloppant. Le tout crée un fabuleux tissu polysémique, qui comme Debussy avec Maeterlinck, invente une autre manière d’entendre la pièce de théâtre originelle. Parfois, le livret (dû à Raphaèle Fleury) égrène des mots détachés de leurs contextes, sans que l’effet en paraisse gratuit ou inutilement aride.

Face à une écriture vocale aussi inventive, les chanteurs révèlent les émotions des personnages avec une formidable vérité : lumineuse et mystérieuse Violaine de Raphaële Kennedy, impressionnante et complexe Mara de Sophia Burgos, droiture et élégance du Vercors de Marc Scoffoni, fougue et dramatisme du Jacques de Charles Rice, gouaille et sensibilité de la mère de Els Janssens-Vanmunster, ou émouvant et mystérieux lépreux de Vincent Bouchot.

 L’Annonce faite à Marie possède en outre une scène d’une incroyable intensité : le miracle du troisième acte. Sur une trame constamment ascendante, agrémentée d’électronique et d’un ensemble vocal comme un chœur d’anges, Philippe Leroux emmène l’auditeur dans une forme de transe. Après un tel sommet, on pourrait craindre que le quatrième et dernier acte soit décevant, il n’en est rien : le compositeur redouble d’humanité au plus près de ses personnages. On songe ici de nouveau au cinquième acte de Pelléas et Mélisande.

Depuis plusieurs années ont été créés de magnifiques opéras contemporains. Citons notamment L’Inondation de Francesco Filidei ou à l’étranger Written on skin de George Benjamin. Difficile de savoir si L’annonce faite à Marie réussira à percer le “plafond de verre” du seul public de la musique contemporaine pour se faire connaître d’un plus large public.

À la fois très nouvelle et immédiatement classique, l’écriture vocale témoigne du talent d’un compositeur au sommet de ses moyens. Faisons confiance aux interprètes réunis par l’Opéra de Nantes (le spectacle part ensuite à Rennes et Angers en novembre) pour faire fructifier les fruits de cette fascinante Annonce.

 

 

« L’Annonce faite à Marie de Philippe Leroux »
Bachtrack
09 octobre 2022, Tristan Labouret

[…] Sous la direction impeccable de Guillaume Bourgogne, l’Ensemble Cairn est exemplaire dans la fosse, notamment Constance Ronzatti dans son redoutable solo de violon. Sur le plateau, mention spéciale à Raphaële Kennedy (Violaine) qui émeut par son seul jeu d’actrice habitée, et à la voix éclatante de Sophia Burgos (Mara) qui signe un solo d’anthologie dans le quatrième et dernier acte.

L’Annonce faite à Marie et à Philippe Leroux pour son premier opéra, créé à Nantes
Olyrix
11 octobre 2022, Véronique Boudier

[…] La partie instrumentale associée à l’électronique (diffusée par Clément Cerles) dessine subtilement l’enveloppe sonore et relaie par intermittence les voix. Une vraie atmosphère se crée par le traitement original de certains instruments comme la guitare électrique, surprenante, tendue par l’action. L’écoute entre musiciens est exigeante, l’intensité toujours chevillée au geste de Guillaume Bourgogne : l'exécution relève de la performance pour les huit instrumentistes de l’ensemble Cairn. 

Tout au long de cet opéra, le spectateur vit une expérience sensorielle et ressent des émotions puissantes. Le compositeur et ses acolytes, par la clarté de leur propos, donnent par la musique-même les clés d’écoute et de compréhension à un auditoire attentif et réceptif, manifestant alors leur bonheur d’être là en ovationnant longuement l’ensemble de la production.

 

« Bime! La friction des corps sonores entre Cairn et Totem Contemporain »
Hémisphère son
23 mars 2022, Michèle Tosi

Inventer, jouer, écouter : voilà trois actions en chaîne qui animent l’esprit de la Biennale des Musiques Exploratoires (BIME) emmenée par ses deux directeurs artistiques Anouck Avisse et Sebastian Rivas. En témoigne la rencontre féconde au Périscope entre l’ensemble Cairn de Jérôme Combier et le Totem Contemporain de Jean-François Laporte. 

Inventer : c’est ce à quoi s’emploie le Canadien Jean-François Laporte à partir de 1998, date à laquelle voient le jour ses premiers instruments : ils sont acoustiques (instruments à vent utilisant de l’air comprimé, membranes vivantes, oscillateurs, aérophones, etc.) « créés et élaborés avec soin grâce à notre amour et notre passion pour les matières premières et les matières sonores », précise cet inventeur passionné. « Le latex comme matière de vibration n’avait jamais été utilisé dans la musique », souligne-t-il encore. Trois instruments ont été retenus pour le concert : deux tables de Babel (multi-instrument très coloré composé de deux Bols à membranes, d’un Pipe, de huit « Insectes », de plusieurs Membranes vibrantes ainsi que d’un électron de latex libre), véritable orchestre à air comprimé placé à cour et à jardin (de chaque côté de la scène) ; entre les deux, l’orgue de sirènes, qui utilise lui-aussi l’air comprimé pulsé dans « des sirènes de camion lourd », n’est pas sans évoquer les machines à bruit des Futuristes italiens!

Jouer : impulsées par une politique de création, une centaine d’œuvres ont déjà été conçues pour le Totem Contemporain ; mais c’est sans doute la première fois que ses membres rencontrent les musiciens de l’ensemble Cairn, même si la collaboration entre Jean-François Laporte et Jérôme Combier ne date pas d’hier. Trois instrumentistes, Christelle Séry (guitare électrique), Ayumi Mori (clarinette sib et clarinette basse) et Sylvain Lemètre (percussion) relèvent le défi aux côtés des musiciens canadiens de Totem (Jean-François Laporte, Francis Leduc et Émilie Girard-Charest) dans cette co-production où chacun des partenaires a passé commande à deux compositeurs de son choix. 

Écouter : d’un côté, les instruments réglés de la lutherie classique répondant le plus précisément possible aux codes de l’écriture ; de l’autre, des instruments par essence fragiles voire imprévisibles, qui posent la question de la notation et dont les matériaux improbables (latex, notamment) peuvent facilement s’altérer en cours d’utilisation et modifier les perspectives d’écoute : autant de données de départ intégrées au projet de chaque compositeur entendu ce soir. […] les instruments de Cairn émergent du flux sombre de Totem, notes égrenées de vibraphone, effluves de guitare électrique et ligne tremblée de la clarinette dans une texture flottante joliment colorée. Une déflagration sonore au mitan de l’œuvre – des pédales permettent ce genre d’impulsion – ouvre les vannes de l’air (comprimé) et du son (l’orgue de sirènes) avant la retombée de l’énergie et le retour au calme du début. […]


« Tremplin pour la nouvelle génération à la Philharmonie de Paris »
ResMusica
18 mars 2022, Michèle Tosi

[…] C’est le très beau concert de l’ensemble Cairn et la pièce de l’Ukrainienne Katarina Gryvul (hasard opportun) qui débutent cette journée marathon (de 11h à 19h30) : flûte, clarinette, trio à cordes, piano et percussion étaient mis à la disposition des sept compositeurs et compositrices qui ont écrit pour cet ensemble fondé par Jérôme Combier et dirigé par Guillaume Bourgogne. Dans Seamy Side, musique de l’ombre, presque fantomatique, Katarina Gryvul sollicite l’électronique au côté d’instruments graves comme la flûte et la clarinette basses. L’Espagnol Manuel Hidalgo Navas utilise le synthétiseur dans self-absorption, une écriture regardant vers la saturation. Citons encore la pièce de Quentin Louvray, La joie spacieuse, explorant les ressorts de l’énergie et du mouvement ainsi que le travail très fin sur les textures de Nicolas Brochec dans En demi-teinte. En revanche, Dixit de Maylis Raynal ne fait appel à aucun instrument. La pièce électroacoustique fait défiler les images sonores à travers les haut-parleurs courant sur le plafond de l’Amphithéâtre : heureuse initiative de la part de Cairn proposant une autre situation d’écoute dite acousmatique.

 

2021

Hémisphère son
21 septembre 2021,
Michèle Tosi

L’entente est au beau fixe et la création sonore plus que jamais à l’honneur au Festival Ensemble(s) dont c’est la deuxième édition : cinq phalanges dédiées à la musique d’aujourd’hui (Cairn, 2e2m, Multilatérale, Court-Circuit et Sillages) ont fédéré leurs idées et leur énergie pour porter très haut le spectacle vivant durant quatre jours et à raison de deux concerts quotidiens sur le plateau du Pan-Piper à Paris. Le festival a reconduit son partenariat avec le Conservatoire Supérieur de Paris, invitant les interprètes du DAI (Département d’Artiste Interprète) répertoire contemporain à se joindre à leurs aînés ainsi que les étudiants du département de formation aux métiers du son […] La médiation est assurée cette année par Corinne Schneider […] Il est la tête d’affiche de cette édition 2021. Le compositeur autrichien Beat Furrer (né en 1954), fondateur du prestigieux Klangforum Wien en 1985, est présent pendant toute la durée du festival. Quatre de ses pièces sont au programme, permettant de mieux approcher une personnalité fascinante dont la forte attirance vers l’univers des arts plastiques se ressent au sein d’une écriture qui semble procéder par analogie (divisionnisme de la touche). Joué par les musiciens de l’ensemble Cairn le trio Aer (1991) est une musique d’effluves sonores (fragilité et frémissements) qui tournent dans l’air avant de s’y dissoudre. Une pulsation (au piano) ou une tenue (au violoncelle) assurent l’équilibre du « mobile sonore ». […] D’une formation plus conséquente encore, Still (Arrêt/Silence) nourrit cette obsession du mouvement à travers une musique qui lance des signaux, opère des arrêts puis redémarre, colore l’espace (trompette bouchée) ou le décolore (souffle) selon une chaîne de micro-événements qui font miroiter la matière : autant de subtilités détaillées avec soin par Jean Deroyer à la tête de musiciens fort réactifs.

Qualité et parité au sein de la jeune génération : Six créations/commandes passées aux jeunes compositeur.trice.s (encore en cours de formation pour certains) traversent cette programmation. […]

 

PIAO
8 avril 2021

Lucioles est une expérience auditive, un voyage à la découverte de ce sens. L’Ensemble Cairn nous invite à explorer, à écouter, en nous accompagnant d’explications. Il a été question d’espace sonore, de sensation acoustique, de cheminement sonore entre le monde acoustique et le monde électronique. Ce chemin d’ailleurs, a été le fil rouge du spectacle, à travers 2 expériences d’écoutes. Une introduction a entamé le voyage. C’est par 2 pièces – composées pour piano initialement- de Claude Debussy « Des pas sur la neige » et « Brouillards » , ré-arrangées ici par Jérome Combier , que débute notre découverte. Entendre la vibration dans l’air des notes, la sensation physique de la musique. Conscientiser ce phénomène que

nous vivons au quotidien, sans le nommer, à chaque concert. Les effets de la musique live en somme, loin de nos casques et de nos enceintes. […] Cette expérience nous fait découvrir la composition de Meryl Ampe, « Illuminan » […] Pendant 11 minutes, le public, plongé dans le noir pour exacerber l’attention de l’oreille, a écouté plusieurs pistes distillées dans l’espace. Surprenant ! Comme un retour à l’état primitif où chaque son est une information, éveille en nous curiosité et imagination. La 2ème pièce a été écrite par Jean-Luc Hervé pour l’Ensemble Cairn. Il s’agit d’un dispositif situé entre l’acoustique et l’électronique. […] L’émotion du compositeur était perceptible, c’était pour lui également la première découverte de sa pièce, en raison des restrictions actuelles que nous connaissons. Émotion aussi entre les musiciens, le plaisir de jouer ensemble, pour un public de quelques privilégiés s’est vu et a suspendu ce moment.

 

Orléans Métropole
1er avril 2021

À l’initiative de la Scène Nationale d’Orléans, les élèves de la classe de seconde option cinéma / audiovisuel du lycée Pothier ont eu la chance de vivre une expérience sonore au Théâtre d’Orléans sous la houlette de l’ensemble Cairn, électrique et mystérieux. […] Six musiciens de l’ensemble débutent l’aventure sonore avec deux préludes de Debussy, Les pas dans la neige et Le vent dans la plaine, invitation à la rêverie soufflant un vent d’émotion et peinture vivante d’une musique qui devient presque palpable, une présence physique, un mouvement. Les deux partitions sont notamment revisitées par un traitement informatique qui difracte l’œuvre dans l’espace du concert, créant une « anamorphose insaisissable ». […] La pièce suivante, électro-acoustique, de Meryl Ampe, sculptrice du son, fait appel à ces petits hauts-parleurs fabriqués artisanalement, disséminés parmi le public pour créer une sensation d’immersion […] le son devient une matière physique. On n’a qu’une envie, que l’expérience se poursuive. Lace au morceau final, la pièce Lucioles de Jean-Luc Hervé qui se présente sur le plateau pour parler de son inspiration. […] La musique, organique, vivante, résonne avec le lieu, le lieu résonne avec la musique. Une énergie circule entre eux et le public, les gestes sonores se répètent, se répondent, se transforment. […] C’est un moment que l’on aimerait pouvoir revivre, qui permet de sortir de soi tout en vivant une aventure intérieure. […] Une belle invitation à écouter le monde autrement, à fermer les yeux parfois pour mieux le voir et le ressentir.


Orléans Mag
Janvier 2021, Emilie Cuchet

Au Théâtre d’Orléans, une résidence de création de l’Ensemble Cairn était prévue à l’occasion du spectacle Outerspace […] « Quand la Scène Nationale nous a proposé de garder le créneau, nous avons sauté sur l’occasion, mais en transformant ce temps en autre chose, en un projet global, révèle Jérôme Combier, directeur musical. Nous avons voulu être dans l’invention, être créatifs aussi à cet endroit)là du confinement. » Le défi des musiciens : créer une série de vidéos courtes réalisées spécifiquement pour les réseaux sociaux, baptisées Figures : créations en vignettes et diffusées chaque lundi à 19h00 jusqu’à fin décembre. Dix commandes de pièces ont été passées à de jeunes compositeurs pour un effectif allant du duo au quintet et puisant dans l’énergie de l’Ensemble Cairn, qui a la spécificité d’être « à géométrie variable ». « Ce projet nous permet d’être présents, de donner du travail à des musiciens, de répéter et d’être encore dans le lien […] Un lien vital noué aussi « avec des compositeurs avec lesquels nous aurons des aventures dans la saison à venir et qui nous aident à nous projeter dans le futur ». Inspiré et créatif malgré l’épreuve, l’Ensemble Cairn profite aussi de ces quelques jours hors du temps pour enregistrer le début d’un disque avec la compositrice japonaise Noriko Baba, lauréate de la Villa Médicis.

2020

 La République du Centre
06 décembre 2020

« Même si les salles sont fermées en raison de la crise sanitaire, nous faisons tout pour que le spectacle continue », explique Salomé Lelait, chargée des relations avec le public à la Scène Nationale d’Orléans. En effet, Sonore Boréale est « un spectacle tout public qui se prête à l’intervention dans les établissements scolaires ». Sur scène, Sylvain Lemêtre 

La République du Centre
1er décembre 2020

Invité à la Scène Nationale d’Orléans pour répéter Outerspace/Série Noire, prévu le 19 novembre, l’Ensemble Cairn était, malgré l’annulation de son concert, présent ladite semaine sur l’un des plateaux du Théâtre d’Orléans. L’objet de cette résidence n’est donc plus de travailler le spectacle, qui a déjà été joué par ailleurs, « mais de basculer dans la création », souligne Jérôme Combier, le directeur artistique de l’ensemble. « De réaménager ce temps de répétition en temps de création inédite sur un projet  qui a vu le jour pendant le premier confinement », précise le musicien. « Cela permet de garder le lien avec le public, aux musiciens de jouer ensemble et de préparer l’avenir. ». Pour ces nouvelles Figures : créations en vignettes, Jérôme Combier a ainsi passé commande à dix compositeurs, de pièces courtes pour de petits ensembles allant du trio au quintet, que l’ensemble enregistre […] Si ce projet peut se déployer et déboucher sur une nouvelle création pour la scène, Jérôme Combier n’imagine pas, pour autant, tenir 

Orléans Métropole
19 novembre 2020
Malgré la crise sanitaire actuelle, les plateaux du Théâtre d’Orléans continuent de vibrer au rythme des artistes en plein travail. La Scène Nationale d’Orléans poursuit son travail de soutien aux artistes et compagnies programmés initialement pour des spectacles. Cette semaine, entre enregistrement et répétitions, ce sont les musiciens de l’Ensemble Cairn et la grande compositrice japonaise Noriko Baba qui occupent le plateau de la salle Vitrez.


Le Monde : « Écouter la musique contemporaine en toute décontraction avec « Ensemble(s) »
10 septembre 2020,
Pierre Gervasoni

Un nouveau festival de musique contemporaine, Ensemble(s), va voir le jour au Pan Piper, à Paris, du 11 au 13 septembre. Son nom résume bien son programme. On y donnera des œuvres pour ensemble (c’est-à-dire pour un effectif pouvant atteindre la quinzaine d’instruments) et on y entendra des formations spécialisées (les ensembles 2e2m, Cairn, Court-Circuit, Multilatérale et Sillages), pour la première fois réunies sous une même bannière.

Bien que l’enseigne du festival ressemble à un mot d’ordre lancé par des artistes heureux de retrouver un public après le confinement, la manifestation a été esquissée il y a un an et demi dans la logique d’un rapprochement expérimenté dès 2011 lors d’un concert commun donné par Court-Circuit et Multilatérale. L’essai ayant été très concluant, les responsables de ces ensembles (respectivement Philippe Hurel et Yann Robin) se sont tournés quelques années plus tard vers Jérôme Combier qui, comme eux, possède la double casquette de compositeur-fondateur d’un collectif instrumental (Cairn). […]


France Musique « Tous Ensemble(s) »
07 septembre 2020,
Laurent Villarem

[…]A l’exception de l’Ensemble intercontemporain, rares sont les formations françaises désormais capables de réunir plus d’une dizaine de musiciens pour un concert. Trop cher, trop risqué, les structures françaises ne sont plus capables de prendre en charge les frais de production. Très vite, vient l’idée de faire union.

Du 11 au 13 septembre, le Festival Ensemble(s) est le fruit de cette réflexion. Cinq ensembles de musique contemporaine, Cairn, 2e2m, Multilatérale, Sillages et Court-Circuit se réunissent et mutualisent leurs moyens de production. Durant six concerts, 26 compositeurs et compositrices seront joués par 41 interprètes. La première édition est un galop d’essai mais la formule séduit: chaque ensemble joue un concert solo de quarante minutes, avant la grande réunion des cinq ensembles lors du concert final le dimanche 13 septembre à 18h.

Parmi les oeuvres jouées, on se réjouit de retrouver une création d’Oper Felz (vendredi 20h), la Série Rose de Pierre Jodlowski qui s’intéresse à la bande sonore des… films pornos (vendredi 21h30), la première mondiale de Lighter than air de la remarquable compositrice brésilienne Michelle Agnès Magalhès (samedi à 20h30). Mais tous les regards se porteront bien sûr sur les deux grandes commandes de la soirée finale.
Marraine de la manifestation, la japonaise Noriko Baba créera Au clair d’un croissant pour quatorze instruments dirigés par Guillaume Bourgogne. On attend également beaucoup de la commande de Points de maille de Théo Mérigeau. Le jeune compositeur français avait séduit avec le très rythmique Hoquetus Mechanicus. A 33 ans, le jeune créateur a l’occasion de transformer l’essai. Le tout dans les conditions optimales du Festival Ensemble(s). Points de maille évoque l’idée d’une broderie sonore, et c’est bien sûr notre création de la semaine !

2019

Classique News
« Une aventure humaine et musicale. Portrait de l’ensemble et de son créateur Jérôme Combier »
26 avril 2019, Marcel Weiss

Depuis 20 ans, l’ensemble CAIRN défend une autre idée de l’aventure musicale. Entre concerts, créations, formes du spectacle, CAIRN incarne à présent un modèle de laboratoire artistique, alliant l’humain et l’art, le partage et l’imagination… […]

L’aventure a commencé à l’issue d’un concert à la Maison Heinrich-Heine de la Cité universitaire, d’une envie commune des deux compositeurs et de leurs premiers interprètes, sans plan préétabli, sans même penser à un avenir hypothétique. « Jamais, on aurait imaginé durer vingt ans ! » souligne Jérôme Combier, qui continue à mener la barque Cairn saison après saison. Il se remémore les débuts héroïques, où il fallait tout gérer soi-même, l’élaboration des concerts, l’organisation, la publicité, jusqu’à la distribution des tracts (sous la pluie) et au nettoyage de la salle…  […]

Aux différents pavillons de la Cité universitaire ont succédé les concerts au Théâtre de l’Ile-Saint-Louis, avant de bénéficier de l’accueil et du soutien de l’Atelier du Plateau, partenaire indéboulonnable de Cairn depuis bientôt dix-huit ans. Premiers contrats, premiers concerts véritablement professionnels, puis premier festival, en 2005 : Why Note à Dijon.

Entretemps, l’aventure artistique et humaine a dû peu à peu se structurer pour plus d’efficacité […] Pour Jérôme Combier, « un soutien indispensable pour pouvoir construire des projets dans un territoire jusque-là dépourvu d’’ensembles de musique contemporaine ; un modèle que j’essaye de promouvoir auprès des autorités de tutelle. » Un positionnement régional renforcé par l’attribution en 2005 du label de «  Ensemble à rayonnement national et international ». […]  l’ensemble se compose de onze solistes et a connu peu de changements internes : certains, comme la guitariste Christelle Séry ou la pianiste Caroline Cren, l’altiste Cécile Brossard, font parties de l’équipe de départ. Tous se sentent fortement impliqués dans une aventure qu’ils tiennent à poursuivre, en parallèle de leur carrière individuelle. Une fidélité exemplaire, se félicite Jérôme Combier : « Ils ont tous le sentiment de faire partie d’une aventure importante, d’être embarqués sur un même bateau, sans cet équipage le bateau n’avancerait pas. »

La programmation revient avant tout à Jérôme Combier, mais les musiciens souvent émettent des idées, voire proposent des projets personnels, ce fut le cas du projet « Les métamorphoses du cercle » conçu par Cécile Brossard avec le circassien Sylvain Julien et le compositeur Karl Naegelen, ou le solo du percussionniste Sylvain Lemêtre : « Sonore Boréale ».

Une responsabilité assumée, qui va de paire avec un souci d’exigence présent à tous les niveaux, du travail personnel sur la partition au niveau de qualité du concert final.

« Jouer par conviction les musiques qui ont des résonances esthétiques bien particulières pour nous, axées sur le timbre et sur des formes complexes, élaborées par le biais de l’écriture ». Ce parti-pris esthétique toutefois se refuse à tout dogmatisme, comme le précise Jérôme Combier : « Nous souhaitons jouer les compositeurs de notre génération – mais également ceux des précédentes – qui nous ont impressionnés. Avec l’idée de suivre un sentier dans la montagne, balisé par les cairns, et ce chemin-là est le concert en soi, avec ses pierres, ses jalons historiques, on veut guider l’auditeur en suivant un fil conducteur : le concert comme un cheminement, une composition musicale, à la fois par l’agencement des pièces et par leur compréhension historique. »

Difficile d’imaginer des univers plus contrastés que ceux de Gérard Pesson et Raphaël Cendo, de Francesco Filidei et Pascal Dusapin, de Tristan Murail et Kaija Saariaho, rencontrés au hasard des chemins parcourus en vingt ans par Cairn. Passant parmi d’autres, Jérôme Combier use avec parcimonie du privilège de pouvoir disposer de l’ensemble des énergies de Cairn pour ses projets personnels.

Exemplaire, le cycle des « Vies silencieuses », conçu entre 2004 et 2006, sept pièces explorant à l’infini les combinaisons et les possibilités instrumentales des solistes de Cairn.

Cette histoire passe par une interrogation sur la forme-même du concert, un remise en question de ses conventions sans pour autant souhaiter en casser le protocole. En le confrontant par exemple à d’autres formes d’arts (arts plastiques, photographie, vidéo) et à d’autres types de musiques, jazz (Vincent Lê Quang, Marc Ducret, John Hollenbeck), musique afghane (Khaled Arman), fado (Cristina Branco).

Les croisements avec la littérature, particulièrement chers à Jérôme Combier, innervent d’autres projets : tels son « Campo Santo » inspiré d’un livre de W.G. Sebald, créé en 2016, et « in Company with Shakespeare», présenté au Château de Chambord le 9 juillet prochain, qui mettra en résonance les interprétations shakespeariennes des maitres élisabéthains et de Kaija Saariaho, à l’initiative de la chanteuse Léa Trommenschlager.

[…] 20 ans, l’âge d’un bilan ? Côté positif, il y a eu un grand nombre de commandes, passées grâce au dispositif des commandes d’Etat, tant à des maitres reconnus, Gérard Pesson, Tristan Murail, qu’à des compositeurs relativement plus jeunes, Joël Merah, Alexandre Lunsqui, Alex Mincek. Comme autant de cairns, une dizaine d’enregistrements marquent la trace de l’ensemble. Dont celui des « Vies silencieuses », Grand prix de l’Académie Charles-Cros en 2008. Dernier en date, « Blanc mérité » de Gérard Pesson. Prochaine parution, « Portulan » autour de la musique de Tristan Murail. Un investissement conséquent, mais indispensable selon Jérôme Combier : « L’enregistrement répond à la volonté de produire un objet fini, propice à une écoute plus rigoureuse que le concert.  Les musiciens y sont particulièrement sensibles. Cela fait partie de notre mission. » […]

 

La République du Centre « Une pièce emlbématique des années 80 »
30 janvier 2019
Katia Beaupetit

Pour son hommage à György Ligeti, Jérôme Combier, directur artistique de l’Ensemble Cairn, a fait appel à la population.
Ainsi, en introduction au concert donné ce soir et commenté par Clément Lebrun, huit étudiant de l’école supérieure d’art et de design vont proposer une performance à partir du Poème symphonique pour 100 métronomes du compositeur hongrois. […] l’ensemble Cairn interprétera cinq pièces de Ligeti, dont Kammerkonzert, « une œuvre pensée comme un lichen ». Elle se répand mais on ne sait pas quelle forme ni quelle direction elle va prendre », explique Clément Lebrun. […]


DISQUES

Blanc mérité : Gérard Pessson / Ensemble Cairn (aeon, 2017)
coup de cœur de l’académie Charles Cros (2018)
5 diapasons

Portulan :  Tristan Murail / Ensemble Cairn (Kairos, 2019)
Resmusica « L’invitation au voyage de Portulan par Tristan Murail »
26 octobre 2019, Michèle Tosi

Après l’univers de Gérard Pesson, c’est celui de Tristan Murail et son cycle Portulan qu’explore l’Ensemble Cairn. Le projet compositionnel est déjà ancien mais toujours en cours puisqu’il doit au final réunir dix à douze pièces. Les sept titres évocateurs de cet enregistrement tissent des liens avec l’expérience personnelle d’un compositeur qui, pour paraphraser Debussy, « aime presqu’autant les images que la musique ». […] Convoquant six instruments, Seven Lakes Drive est dirigé par Guillaume Bourgogne. « La route des sept lacs » est cette excursion qu’aimait faire Murail lorsqu’il habitait aux abords de New-York. L’écriture du timbre y est à l’œuvre : sonorités hybridées, accords-couleurs et fluctuations du spectre déployé sur les harmoniques du piano et du cor. Une lumière singulière se projette dans la pièce, via un travail très fin sur l’aigu des registres. Garrigues de 2008 nous ramène en terre de Provence où s’est fixé aujourd’hui cet amoureux de la nature. Traits acérés et jets de lumière laminent un espace saturé par les «cigales-maracas». Le lieu est celui des archets un rien arides, n’étaient les touches réverbérantes du vibraphone et autre métal résonnants. Le compositeur y entretient une matière vibrillonnante via le trémolo des cordes et les multiphoniques bourdonnants de la flûte basse (Cédric Jullion), colorés par la voix de l’instrumentiste. On est séduit par la manière dont Naaman Sluchin (violon) et Ayumi Mori (clarinette) conduisent leur ligne soliste dans Ruines circulaires (2006), sorte de chorégraphie où s’enlacent deux « figures-rubans » aux profils microtonals, soumises ici au devenir du processus. Murail s’en libère, cinq ans plus tard, dans Paludes (2011) qui emprunte son titre à l’ouvrage éponyme de Gide (1895), « un étrange petit livre », dit-il, qui avive sa propre écriture. Paludes un quintette pour cordes et vents, également dirigé, au sein duquel est réinvestie une dimension mélodique que Murail explore aujourd’hui plus avant. Bruits de clés, souffle, distorsions sur les cordes, whistle tone de la flûte animent ce théâtre de sons, superbement restitué par les interprètes qui entretiennent tout du long le mystère et le suspens. La Chambre des cartes (2011) qui referme le CD fait appel à l’ensemble de l’effectif et aux ressorts de l’imaginaire d’un compositeur et alchimiste des sons : « J’imagine le Capitaine Nemo consultant ses nombreuses cartes […], avec, en bruit de fond, les machineries puissantes de son sous-marin. » Souffle, matériau saturé impliquant le pupitre de percussions et fusion des timbres constituent une entrée musclée. L’énergie du son propulse les arabesques dans l’espace (piccolo et violon en harmoniques), rappelant L’esprit des dunes (1993-94) et ses « déserts qui chantent ». La trajectoire est somptueuse et virtuose, intégrant au sein de l’écriture instrumentale les techniques de l’électronique (réverbération, hybridation, distorsion, etc.) sans toutefois la présence des outils. L’engagement des musiciens et l’énergie du geste s’entendent dans cette pièce exigeante et d’envergure quasi orchestrale, qui requiert bien évidemment la direction de Guillaume Bourgogne.

 

Diapason «  Blanc Mérité : Gérard Pesson / Ensemble Cairn » (5 diapasons)
Mai 2018, Gérard Condé

Carmagnole, mise en première plage, a soufflé les mots autant peut-être que la musique : liberté, clarté, maturité. Au seuil de son soixantième anniversaire, Gérard Pesson fait claquer haut ses noms qui no’nt de commun que la catégorie où il faut bien les ranger. […] Pour autant, on ne réduira pas Carmagnole (2015) à un beau désordre, fût-il un effet de l’art. Saisir sa cohérence revient à comprendre comment le bruit sec appelle le son pulpeux, l’accident de la répétition, la consonance, la distorsion acoustique, pourquoi surgissent de fausses citations, quels reprèees sont offerts et ce que l’oreille peut faire…
C’est tonique, énigmatique, pyrotechnique, comme on pourrait l’écrire aussi de Ne pas oublier coq rouge dans jour craquelé (2010), trio pour piano, violon et violoncelle. Ici, Pesson fait voler en éclat les lois du genre et son désarmant déséquilibre. […] Les toiles couvertes de chiffres clairs par Roman Opalka, représentant majeur de la peinture conceptuelle, ont inspiré Blanc mérité (2017). Aussi redoutable à décrire que Carmagnole, cette fresque en diffère par le climat d’intimité et de mystère ; plus encore que ce qui précède, elle est l’occasion d’apprécier la perfection à laquelle atteint l’Ensemble Cairn au point qu’on ne sait plus qui admirer le plus, du compositeur ou de ses interprètes. Magie blanche ou le créateur s’abolit dans le rien mystique qu’il a éveillé ?


Diapason « Gone » (5 diapasons)
janvier 2017, Pierre Rigaudière

Passer le seuil d’un nouveau disque monographique de Jérôme Combier, c’est un peu revenir sur un territoire que l’on croit connaître, mais l’aborder et le parcourir par d’autres voies. Après « Pays de vent » (Motus) et « Vies silencieuses » (aeon), on retrouve ici un environnement familier, fait de souffle, d’intonations microtonales vacillantes, de glissandos et de figures orientées vers le sol plutôt que vers le ciel, de nombreuses granulosités, aspérités et impacts. Il émane de Gone (2010) un rayonnement noir, extérieur à tout pathos. Dans un contexte musical où le petit ensemble (trio à cordes, clarinette et piano) produit une matière rauque qui racle, crisse et glisse mais n’exclut pas les chocs rythmiques, à la fois nets et feutrés, on préfère pour sa remarquable organicité cette restitution par l’Ensemble Cairn […] Beckett – référence récurrente chez Combier – irrigue le trio à cordes Noir gris (2007), où se distinguent clairement un discours dense, presque expressionniste dans sa formulation, et une composante bruiteuse qui e serait l’ombre. […] Réalisée avec Robin Meir, la partie électronique se mêle au son acoustique des quatre instruments avec une rare complémentarité. Dans les deux cas, les petits effectifs réussissent aux musiciens de Cairn, intimes de cette musique, qui trouvent un équilibre idéal entre profondeur du détail et pertinence du timbre collectif.