12 transformations du menuet de Mozart K.355 Par Gérard Pesson
À l’instar des jeux formels et linguistiques de Georges Perec, le compositeur Gérard Pesson se ressaisit d’un menuet que Mozart avait écrit pour le clavier en juillet 1789. Il en propose douze transformations qui mettent en regard l’ouvrage du compositeur et son rapport à l’histoire, occasion pour l’auditeur, d’entrer dans l’atelier de travail du compositeur et ses secrets, d’en comprendre les outils et sa technique.
12 Transformations du menuet de Mozart K.355 : à la manière de Beethoven, à la manière d’Olivier Messiaen, glissé, à la manière d’une valse tyrolienne, à la manière de Morton Feldman, hoquet et notes répétées, hypothèse pour une musique de film d’après le menuet K.355, sur quatre notes...
L’Ensemble Cairn poursuit son compagnonnage, maintenant fidèle, avec le compositeur Gérard Pesson, dans ce concert ludique et inventif. Aux côtés des musiciens, sur la scène même, le compositeur décrit, décortique les formules de composition qui ont présidé à la ré-écriture du menuet de Mozart. Il en dévoile le sens, les enjeux historiques et esthétiques.
PROGRAMME
Partie 1
Original du menuet K.355 :: W.A. Mozart
pour piano solo
Original transformation 1 du menuet K.355
pour flûte, clarinette, guitare, percussions, trio à cordes
À la manière d’une Valse Tyrolienne
pour trio à cordes
Partie 2
Glissé
pour clarinette, violon, violoncelle, piano
Liturgie de cristal, extrait du Quatuor pour la fin du temps :: Olivier Messiaen
pour violon, clarinette, violoncelle, piano
À la manière de Messiaen
pour flute, clarinette, trio à cordes
Opusdysdeuvebairne und Mozart ist aunch dabei
pour flute, clarinette, violon, violoncelle, guitare
Partie 3
À la manière de Schumann
pour piano solo
Märchenbilder (extraits) :: Robert Schumann
pour alto et piano
À la manière de Mompou
pour piano solo
Duo 1 - Compact
pour violon et alto
Partie 4
Sur 4 notes
pour flûte, clarinette, guitare, percussions, trio à cordes
Hoquet et notes répétées
pour flute, clarinette, violon, violoncelle, guitare
Crible
pour flute, clarinette, percussion, trio à cordes
Dead of night (Hypothèse pour une musique de film)
pour flute, clarinette, piano, trio à cordes
« Pour l’inauguration du Centquatre, ce lieu culturel du 19e arrondissement aménagé dans les anciennes pompes funèbres municipales, la Ville de Paris a passé commande à quelques artistes. J’ai alors proposé un projet au long cours consistant en 104 actions musicales intitulées Pompes/Circonstances dont la création s’est échelonnée sur quatre ans, en vingt concerts, dans divers lieux de ce vaste espace (salles de spectacle, nef, écuries, ateliers…).
L’ensemble Cairn a été l’interprète le plus fidèle pendant cette tranche de vie, laquelle se trouvait scandée par une sorte de refrain, un feuilleton que les habitués venaient suivre : le Menuet K. 355 écrit par Mozart à Vienne en juillet 1789 (!!!) que j’ai soumis à vingt-sept transformations allant de l’instrument solo (piano, flûte), en passant par des voix a capella, un clavier de verres et un ensemble de guitares joué par des enfants, jusqu’à l’ensemble Cairn dans des configurations variables. Aucune irrévérence dans cet atelier de customisation mais au contraire une profonde affection pour cette musique qui maille nos vies, Nous savons par ailleurs que Mozart avait de l’humour, un tempérament ludique qui surprenait toujours son entourage.
Nous avons choisi pour ce disque six des vingt-sept transformations, chacune traitant les deux parties bien repérables de ce beau menuet : la première assez chromatique, la seconde avec des accents, des dissonances et des gammes rapides conduisant à une réexposition du thème initial.
La première transformation (pour l’ensemble au complet) est une instrumentation fidèle à l’original, quoique les sonorités le segmentent ici en tesselles de mosaïque. On y entend, entre autres, le percussionniste jouer du mélodica et se servir de ses joues comme d’un résonateur, au prix de quelques auto-gifles. La seconde transformation (clarinette, violon, violoncelle et piano) est une version glissée et plutôt précipitée. La troisième (flûte, clarinette, guitare, violoncelle et piano) est en hoquets et notes répétées. On entend là des mises en boucle et des élongations, comme si le menuet bégayait un peu par un trop-plein d’enthousiasme. La quatrième transformation (flûte, clarinette, guitare, violoncelle et piano) est jouée sur seulement quatre notes – ce sont donc là plutôt les rythmes qui se réfèrent au menuet de Mozart. La cinquième (pour trio à cordes) est une tyrolienne (non sans quelques inflexions beethovéniennes) et son fameux yodel. Enfin, la sixième transformation (piccolo, clarinette et trio à cordes) est un à la manière d’Olivier Messiaen. Le menuet de Mozart (un des compositeurs préférés de Messiaen – et je suis sûr que la réciproque aurait été vraie si le temps pouvait se plier) est traité là plus librement, quoiqu’on y reconnaisse des tours mélodiques de l’original entrecoupés de quelques chants d’oiseau … »
Gérard Pesson