Préludes

Ramon Lazkano

« Réécrire, ré-imaginer, réinventer : trois axes chers à l’Ensemble Cairn qui, depuis plusieurs années, s’interroge sur la relation de la musique d’aujourd’hui à son histoire, au patrimoine musical qui d’une manière ou d’une autre la constitue : relation d’indentification, d’attirance, de contradiction, d’opposition, ou même de rejet.

L’Ensemble Cairn invite le compositeur Ramon Lazkano à se ressaisir des Préludes pour piano de Chopin (1835-39) et lui passe commande d’une série de 19 courts préludes pour un ensemble de huit musiciens. Maroussia Gentet à se joint au projet et assure la partie soliste du concert. Sur la scène, divisée en deux espaces distincts, les musiciens de l’ensemble Cairn répondent à la pianiste soliste, comme si la musique d’aujourd’hui répondait à celle du passé. La notion de Prélude (forme brève qui a pris son autonomie durant l’époque romantique) est ainsi doublement projetée dans un univers instrumental qui s’éloigne du piano seul et dans une époque qui lui est a priori étrangère. La musique de Ramon Lazkano devient alors la colonne vertébrale d’une écoute double, composite. 

Miroirs antagonistes se nourrissant pourtant l’un de l’autre, la mise en regard des œuvres de Chopin et de Lazkano permet l’avènement d’un univers altéré, hétérogène, un balancement entre réalités passées et présentes. « Le cycle de dix-neuf préludes inspirés des Préludes pour piano de Chopin op.28 et op.45, dure une trentaine de minutes. Préludes est une œuvre close en soi, elle est constituée d'une série de fragments enchaînés dont les profils proviennent des préludes de Chopin projetés dans un univers instrumental étranger à la musique de référence, un ensemble qui permettrait un son altéré, hétérogène, corrodé. 

Sur le plateau, les Préludes de Chopin sont combinés aux préludes de l’ensemble. Ils se répondent, d'un espace à l'autre, en créant un réseau d’entrelacs où les deux œuvres se retrouvent en miroirs antagonistes. Les préludes ainsi conjugués, regroupés en sections asymétriques, garde toutefois l’ordre du cycle de Chopin – si subtil et raffiné dans ses implications tonales et motiviques.  Ainsi, la durée du concert s’articule dans le balancement alternatif des deux mondes : le piano intime des musiques éphémères de Chopin et l’ensemble d’où émanent des sons inouïs, insaisissables, créant ainsi le miroitement lointain, comme à travers les âges, des figures chopéniennes. »

Ramon Lazkano